Il y a longtemps que je t'aime !

Bonjour à Tous,

Joli titre, partagé avec la comédie de Jean-Charles Tacchella de 1979, Jean Carmet, Marie Dubois, Gilles Laurent.
Ici l'histoire est toute autre, un drame oui, mais pas seulement.

C'est un titre brutal, fort et intense.
Il est bien trouvé ce titre ! Il prépare assez bien au film.

Une sortie de prison après 15 années d'isolement, une grande soeur, qui ne s'y attendait pas, recueillie dans la famille de sa cadette, qui affectait de l'ignorer.



De nombreux non dits, des esquives mais aussi des maladresses. Du temps laissé au temps. une reprise de contact longue et progressive bien qu'intérieurement attendue avec impatiences. Des liens instinctifs profonds et intenses que l'on pensait détruits par le traumatisme, par les jugements, par les réactions entières et aveugles, par la peur issue de l'incompréhension, par les années. Cette histoire qui ne se dit pas, qui aurait pu, qui n'a pas voulu, comme pour accepter un isolement volontaire. Un traitement entier et violent au gouffre insupportable d'un enfant absent....

Ce film raconte sans dire. Il explique de l'intérieur, par les réactions de l'entourage. C'est la remontée d'une histoire gardée au fond des tripes pendant des années, progressivement confrontée à ses conséquences. Ce genre de chose, cela ne se raconte pas, cela s'expulse.
Bien entourer, bien cerner, redonner des repères, puis enfin s'appuyer sur des faits. Les amours, les patiences, l'ouverture et les irrationnelles cohésions font le reste.

Les acteurs susceptibles de porter et de traduire ce type d'histoire ne doivent pas être si nombreux. Kristin Scott Thomas, Elsa Zylberstein ne la jouent pas, elles la vivent intérieurement. Le détachement, la tristesse, la rage, le désarroi, la colère, les petits moments de douceurs et d'apaisement, parfois même de joie.... Elles irradient. Comment ou dans quel état ont-elles pu sortir de certaines prises ? Nous touchons là à la magie de ce métier. Réellement admiratif et surtout reconnaissant... Cela fait longtemps que l'on vous suit !



Kristin Scott Thomas, personnifie à elle seule l'histoire sur laquelle le film repose. Un regard, un imperceptible mouvement de sourcil ou du bout des lèvres finalement muettes. Dire sans dire, pratiquement sans bouger.... parfois, et devant la caméra.
Il n'y a jamais d'explication du milieu carcéral et des réflexes de survie inhérents à ce milieu isolant de l'extérieur. Tout est transmit par les attitudes, par les réactions, par la redécouverte pour nous comme pour Juliette de sa propre personnalité dans un monde de communication où l'irrespect de l'intimité peut parfois être tout autre.
Ce Capitaine de police (Fauré : Frédéric Pierrot) et cet Enseignant ( Michel : Laurent Grévill), eux-mêmes en marge de cet univers extérieur, sont les premiers à percevoir immédiatement les dimensions et les promesses du personnage de Juliette, au-delà de l'effacement qu'il affecte. Leur destin dépendra de leur propre cicatrisation mais ne laissera ni Juliette, ni le spectateur insensible. Là encore, quels rôles, quelles attitudes ! Si peu de temps pour suggérer tant et motiver la suite !



Léa, Elsa Zylberstein, et Luc, Serge Hazanavicius, constituent les deux pôles du cocon permettant le retour à la vie séculière de Juliette, une solution possible. Elsa arbore un optimisme volontaire presque forcé. Mais derrière la gaieté affichée, on sent poindre à tout moment les larmes et la rage de ne pouvoir exprimer cet amour si longtemps enfoui et verrouillé par la culpabilité. Le moteur de ce retour s'avère alors parfois être le reste de la famille. Excepté le grand père, tous ont le raisonnement aveuglé par ce qu'ils savent ou ignorent, mais ils savent parfois écouter leurs instincts. Quand la vie s'en mêle...des moments délicats, décrits par petites touches.



Merci pour ce film Monsieur Philippe Claudel. Ajouter la
casquette du cinéaste à celle de l'écrivain vous réussit. Ces images
fortes dans un cadrage soigné sans mouvements sophistiqués de la
caméra, avec une lumière aussi travaillée qu'elle se fait oublié...
C'est une belle signature.

Tous les acteurs de ce film sont justes et leur intervention est bien dimensionnée. Pas de fausse note pour sortir le spectateur de l'histoire. C'est une immersion immédiate, évidente. Depuis la bande annonce qui fait retenir ce film parmi tant d'autres (quand le budget cinéma se fait pingre) jusqu'au générique de fin, qui dans ma salle n'a vu personne bouger ni émettre un son jusqu'à trente seconde après le retour de la lumière ! Respect !!!

Je recommande très chaudement ce film à toute personne ayant un peu vécu. Attention je ne parle pas là d'âge mais de sensibilité exacerbé par les expériences.

Bien entendu, ce post arrive tard, poussé par les nouveautés, le film a quitté la plupart des salles obscures. Veuillez m'en excuser !
Nous sommes donc dans la phase 2 du visionnage. Celle qui vous regarde.
Pour ma part, il fera forcément parti des DVD à acquérir.

A bientôt Happy Visionneurs !

Merci pour cette présentation de film Step1 !
Film à voir, et en effet, il n'est plus beaucoup dans les cinémas..
On trouvera bien un moyen de le voir